Comme toutes les meilleures idées, celle-ci a pris forme autour d’une bière ou deux à la brasserie « le Goeland à Ouistreham. Les têtes de Jeremy (Antioche), Florent (Virus) et Stéphane (P’tit Loup) étaient celles qui cogitaient sur une navigation sympa à faire cet été. De cette cogitation est sortie l’idée d’aller faire une petite virée aux îles, les Anglo Normandes en l’occurrence. Echouage, tourisme, navigations sympathiques se dessinaient au fur et à mesure et une fois les dates des vacances des uns et des autres confirmées, la décision fût prise de partir le 5 aout de Cherbourg. Comme toujours c’est une chose de décider et une toute autre de passer à l’action. Pour Antioche il fallait déjà remplacer un pneu
et installer des béquilles, pour P’tit Loup amariner l’équipage pressentie et accastiller le bateau pour le spi... De quoi occuper les weekends de juillet. Virus était déjà prêt à partir, grâce notamment au rassemblement des First 18 à Hyères en mai.
Les soirées étaient occupées à étudier les tables de marées, les courants et les pilotes. C’est ici où Google Earth est très utile pour visualiser les ports et les approches et repérer à l’avance où se trouve la cale par exemple à Chantereyne. C’est alors que l’on commence à prendre conscience que les les courants peuvent vraiment être très forts dans le coin et on commence à regarder de très près ce qui se dit dans le pilote à propos du Raz Blanchard…
Le grand jour est pratiquement là quand une mauvaise nouvelle tombe, Stéphane ne pourra se joindre au périple pour raisons professionnelles. Bon, ben on sera deux bateaux et quatre marins, deux par bateau ; Florent et Jérémie sur Virus, et mon fils Charles et moi sur Antioche.
Le jour J arrive et le transport des bateaux se fait de Ouistreham pour Virus et des Ressuintes pour Antioche (à trouver sur une carte !). Le Cotentin se fait fidèle à sa légende, et c’est sous une pluie battante qu’on arrive à Cherbourg où votre serviteur dans un grand moment d’inspiration, choisit de nourrir le Land Rover au gasoil au lieu du SP 98 préconisé…et, dans la tentative de rallier le parking d’Auchan pour attendre la dépanneuse, tombe définitivement en panne en plein dans l’accès du centre commercial de la Glacière de Cherbourg un samedi matin…Toutefois il y a un dieu pour les imbéciles et le mien s’est manifesté sous la forme d’un gars fort sympathique au volant d’une Chevrolet Tahoe attelée qui avait tout ce qu’il fallait pour tirer une Land Rover et son First 18 sur 100m jusqu’au parking.
Au bout de 10mn la dépanneuse est arrivée et pour le bateau, eh bien il y avait Florent !
Celui-ci est arrivé, avec Jérémie son équipier, tous deux fort amusés par la mésaventure. Après un déjeuner fast food Antioche rejoint Virus sur le port de Chantereyne.
Mise à l’eau sans encombre (quoiqu’Antioche se soit fait un peu prier pour descendre de sa remorque..)
et les places furent prises au ponton.
Le départ se prépare
et commence évidemment par la météo. Celle-ci annonçait pour le lendemain 4-5 fraîchissant 5-6 B en soirée avec menace de rafales à 7..puis un avis de grand frais pour lundi et mardi. Le 4 et 5 pas de problème et on devrait être arrivé avant la soirée…en cas de 7 on peut toujours se mettre en fuite vers Cherbourg…La marée étant favorable à une heure convenable par rapport aux prévisions, on a décidé de partir le dimanche.
Dimanche il y avait effectivement du vent et on est parti en configuration gros temps, cirés, bottes, foc et un ris. Ce qui s’est révélé être la bonne combinaison et on a fait route à 5 nœuds vers Braye, notre destination, le First 18 montrant une fois de plus qu’il est remarquablement sec pour un bateau de cette taille. Le vent est même tombé assez pour renvoyer le ris et envoyer le génois à la place du foc. Il faisait beau et Aurigny se faisait plus précis à l’horizon. Toutefois ça se couvrait à l’ouest et le soleil s’est effacé pour laisser place à des nuages bien gris. Nous avons eu droit à un grain blanc et la visibilité s’est nettement diminuée. Toutefois les relevés précédents nous permettaient d’avoir une bonne estime et on avait le GPS au cas où. Le vent s’est laissé tomber après ça et on voyait des orages à l’horizon dans notre sud accompagnés de fortes pluies. Le soleil a refait une apparition ainsi que le vent, juste au moment où on a dû commencer à tirer des bords pour prendre l’alignement pour Braye dont on commençait à voir les feux. Le vent commençait à se faire un peu plus fort et sur Antioche j’ai pris la décision d’amener le génois. Sous grande voile seule on progressait dans une mer qui prenait des airs mauvais sous les nuages, gris ardoise avec des déferlantes par endroits, le courant étant contre le vent. Et c’est ainsi que, sur un bord où Antioche était perpendiculaire au courant et au vent progressant lentement, que c’est arrivé ; une claque et on gîte, seulement contrairement à ce qui a été connu jusqu’alors, la gîte ne s’est pas arrêtée et j’ai vu la girouette entrer dans l’eau, suivi par nous…barbotant dans les filières je regardais le niveau d’eau par rapport à la descente…il restait 10cm… si le bateau ne se retournait pas entièrement…j’ai entièrement choqué la GV (merci l’expérience dériveur !) et lentement (mais sûrement) le bateau s’est redressé et s’est remis à l’endroit.
Que s’est-il passé ??? Pour moi, nous avons bénéficié d’une rare conjonction de facteurs qui a fait que le bateau a été déséquilibré de la sorte.
1) Le courant 4 nœuds environ qui poussait sur la quille dans pile la direction opposé du vent
2) Le vent qui a « rafalé » exactement au moment où..
3) Nous étions sur une vague type du vent contre-courant qui roule sur elle-même et favorise la prise d’angle
Ces trois facteurs en se combinant exactement à l’instant t ont réussi à prendre Antioche en défaut.
Inutile de dire que ce petit épisode nous a un peu secoués. Nous avons affalé la GV et pris compte de la situation. En gros, tout allait bien sauf que nous étions trempés et on ne voyait plus rien le mauvais temps étant rentré. Le moteur ne voulait pas redémarrer et le GPS est allé voir Neptune. Après avoir prévenu Virus de nos intentions au VHF et avec une visibilité inférieur à 1 mille j’ai décidé de renvoyer le foc et de nous mettre en fuite vers Cherbourg. La nuit tombante on ne devrait pas tarder à voir les feux du phare de Jobourg et celui d’Aurigny ainsi que les lueurs de Cherbourg ce qui permettra de faire un point précis. La mer était très noire et déferlait mais le bateau était confortable. Charles est allé en bas mettre des vêtements secs et le moral est revenu petit à petit. Toutefois 3 – 4 heures de nav’ de nuit était une perspective moyennement réjouissante mais bon…On taillait ainsi doucement notre route quand miracle ! Ça s’est levé d’un coup et on a vu que nous n’étions pas si éloigné d’Aurigny…une estime rapide confirmait que Braye était plus proche que Cherbourg et en plus le moteur a décidé qu’il voulait bien fonctionner à nouveau…le seul ombre au tableau (au sens propre du terme) était l’orage directement devant nous. Le foc bordé à fond on a fait route vers Braye. Il faisait nuit, c’était ma première nav’ de nuit en tant que skipper, les approches de Braye sont un excellent exercice pour se rappeler la différence entre son Fl R 4s et son Iso WRG 2s.
Après une heure environ au moteur l’alignement se précisait ainsi que l’orage. Des éclairs spectaculaires jouaient sur le Cotentin derrière nous et devant c’était pas mal non plus…pourvu qu’on arrive avant dans le port car sous le vent qui promet d’être très fort se trouvent pas mal de cailloux…
Florent nous appelle pour dire qu’il est au fond du port à droite et que les pare battages sont prêts pour qu’on puisse venir à couple sans problème ; ils nous préparaient même une soupe chaude ! Mais Eol n’en avait pas fini avec nous, au moment où l’on contourne la fameuse môle, ça nous est tombé dessus…pluie à l’horizontale, noir total, ah non, une lueur là-bas…le moteur a beaucoup de mal à nous faire avancer contre le vent…&*@# y sont où les bouées ? Et Florent ? Les éclairs montrent brièvement des bateaux, là, à tribord, on y va…le moteur coupe…P….AIN !!! Il redémarre au premier coup et là le premier bateau qui nous tombe sous la gaffe sera celui à coté de qui on passera la nuit. On s’approche tant bien que mal et là on s’aperçoit que le fort clapot rend hasardeux le transbordement pour passer les amarres, ça roule, gaffe aux mâts…on rate la première tentative, le vent nous dépale sur le bateau suivant, il ne manquerait plus pour clore la journée qu’on aborde un autre bateau. On est mal et on fait une nouvelle tentative pour venir à couple. Nous devons hurler pour se faire entendre et cela nous sauve la mise car on réveille du coup les habitants de notre bateau choisi qui sortent (les pauvres !) en caleçon et t-shirt et qui se mettent en quatre pour nous aider. Plein de pare battages, ça balance et prise des amarres. Ca y est nous sommes amarrés et on peut aller dormir. L’un comme l’autre on s’écroule, ça fait quand même 10 heures de navigation avec des émotions en veux-tu en voilà…Mais le lendemain c’est une autre histoire, on envoie les pavillons
et on retrouve Virus !
Yay ! C’est les vacances !